Théophraste Renaudot

Tour-à-tour médecin, pharmacien, journaliste ou bienfaiteur mais toujours humaniste !

A l’évocation de ce nom, ce qui interpelle le plus est le patronyme « Renaudot ». Ce nom est surtout évocateur du prix littéraire du même nom, le fameux prix Renaudot.
Mais Théophraste Renaudot ne peut pas être réduit à un prix littéraire. Certes il a fondé le 1er périodique de France, ce qui lui vaut le titre de 1er journaliste de France, mais c’était également un médecin et humaniste.

Théophraste Renaudot ne peut pas être réduit à un prix littéraire. Certes il a fondé le 1er périodique de France, ce qui lui vaut le titre de 1er journaliste de France, mais c’était également un médecin et humaniste.
Théophraste Renaudot semble marcher dans les pas de Rabelais un siècle après, d’abord médecin, il cultive l’intérêt des lettres et de l’humanisme.
Né protestant, Théophraste Renaudot se convertit au catholicisme en 1625 malgré l’Edit de Nantes de 1598 (liberté du culte), ce qui lui facilitera certainement son ascension sociale.
C’est un contemporain d’Urbain Grandier [lien article] qu’il fréquente ainsi que le poète Scèvole de Sainte-Marthe. Ensemble ils constituent le salon des érudits du loudunais.

Dates clés
– 1606, Renaudot devient médecin à l’âge de 20 ans
– 1619, il invente le Polychreston, traitement pour soigner de multiples maux
– 1628, il ouvre le bureau des adresses à Paris (système de petites annonces : emplois et autres)
– 1631, à 45 ans, il crée le 1er périodique de France : la Gazette
– 1637, il ouvre le 1er Mont-de-Piété en France


Du scalpel à la plume
Renaudot crée en 1631 la Gazette,
1er journal de France

Renaudot doit son renom à la Gazette, 1er journal à parution régulière édité dès 1631. Le titre Gazette est largement inspiré par les « gazzettes » vendues en Italie, « gazza » désignant la pie, un oiseau bavard ; pirouette verbale non sans rappeler notre Twitter (« gazouillement ») contemporain !

La Gazette se compose des plusieurs feuillets contrairement aux autres publications de l’époque à la parution irrégulière.

Ce sera le seul journal autorisé par le Roi Louis XV. La monarchie dispose dès lors d’un formidable outil de communication pour annoncer les faits marquants de la royauté. Renaudot est conscient que son journal est considéré comme le porte-voix du Roi et en fait un outil de propagande. Il n’est pas dupe et a déjà bien conscience des enjeux de l’information et de la politique.

Le Recueil des Gazettes, nouvelles, relations et autres choses mémorables compile toutes les publications de l’année.

Même si la teneur globale de la Gazette est de relayer les actualités de France et d’ailleurs, certains passages sont étonnants avec parfois un souci du détail surprenant.

On apprend ici que : « Par décret exprès on avait défendu (interdit) aux courtisanes de se déguiser et aller en masques : mais il a été révoqué sur la remontrance qu’elles en ont faite aux nobles. Et ceux-ci au Sénat : protestant de quitter la ville si on leur ôtait le divertissement qu’ils prennent avec elles en cet habit. » 1634

Ici la Gazette relaye un fait divers :

« Le 7ème de ce mois la femme d’un vigneron accoucha de 2 enfants qui avaient chacun 2 bras, 2 nombrils, par lesquels ils étaient joints ensemble, une tête en haut, et l’autre en bas, 3 pieds seulement à tous 2, dont les 2 étaient au milieu, et le 3ème partait de l’épaule. L’un fut reconnu pour femelle, mais l’autre n’avait pas de distinction de sexe : qui s’étais fait nourrir l’espace de 3 jours, mouru le 10 du même mois, étais baptisé (…) »
Janvier 1632.

A sa mort en 1653, le fils ainé de Renaudot permettra de perpétuer l’existence du journal.

Au final le journal aura existé presque 3 siècles (284 ans) malgré les tumultes de l’histoire qu’il aura traversé.

Le dernier numéro parait en 1915.

Le prix Renaudot est créé en 1926 à l’initiative de plusieurs journalistes. Depuis ce premier prix, d’autres récompenses littéraires ont vu le jour toujours inspirés par Renaudot :
⦁ En 1992, le Prix Renaudot des lycéens (récompense remise à Loudun), en 2003 ;
⦁ En 2003, création du Prix Renaudot de l’essai
⦁ Et depuis 2009, le Prix Renaudot du livre de poche.

De l’ordinaire vers l’extraordinaire

Etonnant hasard du calendrier, la Gazette s’étoffe de nouvelles Extraordinaires en 1634, la même année que la condamnation à mort d’Urbain Grandier, son ami.
Renaudot relate le fait dans la Gazette depuis Loudun, chose inhabituelle puisqu’il réside à Paris depuis 1625. Renaudot était présent le jour de la condamnation à mort d’Urbain Grandier et lui rend un dernier hommage en osant publier un article dans la Gazette. Richelieu ne s’y opposa pas, probablement pressé d’éteindre le feu sur une affaire où le sacrifice d’un innocent a permis non seulement sa propre vengeance (découvrir pourquoi à cette page) mais aussi servir les intérêts du pouvoir en place.
Suite à cet événement Renaudot décida de ne plus jamais revenir à Loudun et de noyer sa peine dans le travail.

Médecin visionnaire, Renaudot est le précurseur de la télémédecine

Qu’on se le dise, la télémédecine date de 1641 !

Afin de faciliter le soin des personnes ne pouvant se déplacer, Renaudot eut l’ingénieuse idée de créer La présence des absents ou facile moyen de rendre présent au médecin l’état d’un malade absent.

Rien que le titre de ce support médical illustre l’émérite compétence littéraire de Renaudot par cette antithèse :
La présence des absents.

Ce fascicule illustré est un support pour permettre au médecin de poser un diagnostic à distance. Les illustrations permettent au malade de localiser leur douleur.


Le Polychreston, le médicament tout-en-un !

Médecin mais pharmacien également !
Bien avant la création de la Gazette et son installation à Paris, Renaudot crée en 1619, à partir d’une composition qu’il avait apprise et qu’il va adapter, un remède destiné à soulager de nombreux maux : le fameux Polychreston ! Du grec « poly » signifiant plusieurs et « chrestos » pour désigner le bon, l’utile.

Composé de 83 ingrédients avait pour prétention de soigner de nombreux maux dont la paralysie en passant par les fièvres jusqu’à la mélancolie et l’énigmatique « suffocation de mère » !

Quelques-uns des ingrédients étranges du Polychreston :
⦁ Absinthe
⦁ Aigremmoine
⦁ Ivoire
⦁ Miel
⦁ Terre de Blois
⦁ Et du vin

Son médicament eut beaucoup de succès jusqu’à être exporté.

De la potion ou du poison ?

A une époque où la médication n’était pas encore courante, cette préparation a été contestée par les détracteurs de Renaudot. Ces détracteurs composés essentiellement de médecins l’accuse d’empoisonner les gens plutôt que de les soigner.
Nul doute que Renaudot se serait intéressé de près à l’affaire Marie Besnard s’il avait été son contemporain !


Renaudot, l’humaniste inventif

Concerné par la question de la pauvreté, Renaudot publie un Traité sur la condition des pauvres en 1612. C’est dans la continuité de cet engagement et sensibilité qu’il créera par la suite de nombreuses autres actions.

En 1628, création du Bureau des adresses

Le Bureau des adresses c’est Pole Emploi ou le journal des petites annonces avant l’heure !

Fort de son succès, les demandeurs d’emploi doivent s’y inscrire obligatoirement dès 1631. Déjà habitué à l’édition depuis 1631, Renaudot crée La Feuille du bureau d’adresses qui permet de communiquer diverses petites annonces.

Situé rue de la Calandre à Paris dans l’île de la Cité, le bureau des adresses est un lieu central pour Renaudot. C’est le lieu de référence pour la Gazette mais pas seulement…

En effet, c’est le laboratoire pour ces nouvelles idées :
⦁ Lieu de son dispensaire avec soin gratuit pour les pauvres ;
⦁ Conférences hebdomadaires ouvertes à tous ;
⦁ Création d’un mont-de-piété en 1637 (prêt sur gage), le premier de France.

Manifestement Théophraste Renaudot est né trop tôt, trop visionnaire, trop innovant, trop populaire, trop démocratique… Il devient l’homme de trop pour ses détracteurs qui ne sont autres que des médecins également.
La communauté de la Faculté de médecine de Paris s’en prend à lui et cherche par tous les moyens de le discréditer. Ils iront jusqu’à prétendre que Renaudot faisait l’aumône auprès des indigents ou que le Polychreston était un poison. Ils l’accusèrent de pratique illégale de la médecine avec à leur tête Guy patin, ancien doyen de la Faculté de médecine de Paris à la verve acérée.

En réalité, il suscite surtout de la jalousie.

Des étudiants de la Faculté de médecine qui le considère comme un homme de progrès viendront travailler au Bureau des adresses pour s’exercer à l’art de la médecine.

Lorsque Richelieu meurt en 1642 et ensuite Louis XIII en 1643, Renaudot perd tous ses soutiens. Il mourra 10 ans plus tard en 1653, ses ennemis ayant obtenu entre-temps la fermeture du Bureau des adresses.

Produits liés à cette histoire :

Dates

Naissance : en 1586 à Loudun (86). Décès : le 25 octobre 1653 à Paris.

Surnom(s)

1er journaliste de France

Métier(s) – Qualification(s)

Médecin, journaliste et humaniste

En résumé

Né à Loudun en 1586, Renaudot devient médecin à 20 ans, journaliste à 47 ans ! C’est un visionnaire, humaniste, plein d’ingéniosité pour contribuer au progrès social.
Renaudot doit son renom à la Gazette, journal qu’il a créé en 1631, puis au prix littéraire qui a pris son nom à partir de 1926.

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